24.01.


Alain Crouzet

 CAFÉ PHILOSOPHIQUE

ARABESQUE

Samedi 26 janvier 2019

 

 

 

 

Pouvons-nous et devons-nous devenir de « bons Européens » ?

 

 

Empêtrés dans nos particularismes et nos populismes nationaux, et alors que s’approche le scrutin de tous les dangers pour l’UE, les élections au Parlement Européen de 2019, pouvons-nous enfin devenir de « bons européens » ? Et pourrons-nous être à la hauteur de la dimension supranationalequ’exige la construction européenne ? Ou bien, comme l’écrivait Stephan Zweig en fuyant naguère notre continent, « cette pestilence des pestilences, le nationalisme »va-t-il encore réussir àempoisonner « la fleur de notre culture européenne» ? Et alors, comme le disait, lui faisant écho, Paul Valéry au lendemain de la 1èreGuerre Mondiale, l’Europe, cessant d’être ce qu’elle paraissait, « c’est-à-dire : la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère », ne sera plus que « ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique » ?

            Mais savons-nous seulement ce qu’est un « bon européen » ? Et savons-nous vraiment ce qui fait le cœur notre culture ? Est-ce notre rationalitéet notre « foi en une raison absolue », porteuses d’une « foi en un sens de l'histoire, du monde, de l'humanité, et de l'homme lui-même », comme l’écrivait Husserl dans son testament philosophique de 1936, au plus fort de « la crise des sciences européennes »?Et, plus profondément encore, notre culture ne reposerait-elle pas sur cette conscience de la liberté infinie, principe des « libertés européennes », et par laquelle, selon Hegel, nous n’acceptons d’obéir qu’à ce que nous avons compris et jugeons rationnel ?

Mais ne nous voilons pas la face : si la dévastation du vieux continent par la 2èmeGuerre Mondiale fut l’origine, toute négative, de la construction européenne, cette dernière peut aussi apparaître comme portée d’abord par la peur de la « globalisation » et par le ressentimentdes anciennes puissances coloniales, amères d’avoir perdu leur prestige et leur hégémonie sur leurs anciennes colonies. Mais alors, le cœur de la culture européenne, ne serait-pas plutôt ce « nihilisme » qui, selon Nietzsche, nous tenaille et nous pousse si souvent au désespoir et à la confusion mentale ? Dans ce cas, toujours selon Nietzsche, notre devoir de « bons européens » serait non seulement d’assumer pleinement notre pessimisme « nihiliste », mais aussi d’aller plus avant, en nous consacrant à la « grande politique » : celle qui promeut la « grande sagesse du Corps » et la réconciliation avec « la Terre » !

Alors « guerre au christianisme » (qui a brisé notre lien au corps et à la Terre) et en marche vers le « Surhomme » ?

 

 

Café philo arabesques

 

Überzeugt davon, dass Europa zuerst das der Kultur ist – vor dem des Marktes oder der Technokraten – gibt ihm seine Arbeit als Philosophielehrer am Lycée français de Hambourg die Möglichkeit zu gestalten, was Alain Crouzet am meisten am Herzenliegt: diese gemeinsame Kultur, den eigentlichen Zement Europas, leben und sprechen zu lassen jenseits nationalistischer, angstoder hasserfüllter Abgrenzungen. Und uns (etwas mehr) zu dem zu machen, was Nietzsche « gute Europäer » nannte … Vor langer Zeit hat diese Kultur in Griechenland die Philosophie hervorgebracht – und seitdem lebt sie den Dialog: leidenschaftlich … aufmerksam … angespannt … unkontrolliert – und überraschend wie das Denken selbst. Warum in einem Café? Seit ihren Anfängen geht die Philosophie auf der Straße spazieren … wie eine Dirne, agt Aristoteles … et voilà, sie tritt ein ins Café. Machen Sie es also wie Diderot: « Meine Gedanken sind meine Huren » – folgen Sie ihnen, haben Sie keine Angst und treten Sie ein …!

© Alain Crouzet
© Alain Crouzet

Convaincu que l’Europe est d’abord celle de la culture avant d’être celle du marché ou des technocrates, son travail de professeur de philosophie au Lycée Saint-Exupéry de Hambourg lui permet d’oeuvrer, modestement, à ce qui lui tient le plus à coeur : faire naître, vivre et parler cette culture commune qui est le vrai ciment de l’Europe, au-delà de tous les replis nationalistes, frileux ou haineux pour faire (un peu plus) de nous ce que Nietzsche appelait de « bons européens »? Cette culture, il y a bien longtemps, en Grèce, a fait naître la philosophie … et depuis, comme à ses débuts, celle-ci vit de dialogue : passionné… attentif… tendu… incontrôlé… surprenant comme la pensée elle- même… Alors pourquoi dans un café ? Depuis le début, la philosophie se promène dans la rue… éripatéticienne, disait Aristote… et la voilà qui entre au café… alors faites comme Diderot…« mes pensées, ce sont mes catins »… suivez-la… n’ayez pas peur… entrez donc…!

 

Wir danken dem Levantehaus für die freundliche Unterstützung.

 

Samstag, 26. Januar 20 Uhr | Samedi le 26 janvier 20h, Galerie im Levantehaus (Obergeschoss), Mönckebergstraße 7, Hamburg, Eintritt frei | entrée gratuite, Spende erbeten | dons demandés